Chronique de l'album sur INDIEMUSIC !
[LP] Baron’s – Pole Dancing Songs
par Raphaël Duprez le 20 janvier 2018 dans Chroniques
Son et lumière puissant et ravageur, « Pole Dancing Songs » de Baron’s est un spectacle musical débridé, sensuel et diablement aguicheur.
Vous avez toujours rêvé d’un disque vous emmenant au cœur de la nuit, dans des clubs très fermés où sexe, alcool et rock’n’roll vous plongent dans un état second et vous font perdre tout contrôle ? N’allez pas plus loin : « Pole Dancing Songs » de Baron’s va vous retourner les neurones et vous faire suer sang et eau comme il faut ; à tel point que vous risquez fort d’en redemander !
Imaginez : fin d’une journée de travail dans des bureaux qui vous rendent malade, à vous en prendre plein la tête de la part d’un patron confondant autorité et harcèlement, auprès de collègues guettant vos moindres faits et gestes pour mieux vous enterrer dès que l’occasion se présente. En plus, ce matin, vous avez renversé votre café ; ce midi, vous vous êtes fait plaquer ; et ce soir, votre voiture a été envoyée à la fourrière. Le rêve de toute une vie résumé en une douzaine d’heure. Plus rien ne vous semble devoir s’améliorer. Vous avancez, tête baissée, percutant des passants qui vous font tous les reproches possibles et imaginables et vous traitent de noms d’oiseaux dont vous ne connaissiez même pas l’espèce. La zone. Dans une dernière lueur d’espoir, vous relevez la tête : et, devant vous, à l’entrée d’une boîte de nuit que vous n’aviez jamais remarquée, se tient un homme baraqué, en kilt et avec un nez de clown qui a tout d’une boule à facettes. Il vous sourit et vous invite à entrer. Sans comprendre pourquoi, vous y allez. Une fois le seuil franchi, tout bascule : Baron’s vous invite au bal au son de ses « Pole Dancing Songs », à la rencontre de clowns souriants (mais peut-être pas pour les raisons que l’on croit), de cannibales, de chevaliers servants et de fantômes. Les guitares vous encerclent, la batterie vous fait bouillir le cerveau, et vous bougez. Libre, enfin. Rassurez-vous : le spectacle ne fait que commencer…
Baron’s malmène ses six cordes, leur donnant une liberté totale à travers des riffs puissants et ciselés, incitations irrésistibles à ressentir l’extase et la violence d’une musique qui nous parle, car accessible et brillamment arrangée. Les chœurs de « Suck the Clown » sont d’une intelligence diabolique, tandis que les cuivres et le funk extatique de « My Fuckin’ Knight » transportent les passagers que nous sommes vers d’autres terres, plus accueillantes et jouissives. Sans jamais laisser une seule seconde de répit, « Pole Dancing Songs » enchaîne les moments de bravoure et de frénésie communicative, qu’ils nous fassent du rentre-dedans entre sensualité et gifle (« Cannibalism ») ou qu’ils distillent une atmosphère de cabaret surnaturelle et audacieuse (« New Meetings »). Célébration du plaisir à l’état brut, le disque ne se prend jamais au sérieux, mais parvient à faire montre d’une concentration mélodique et structurelle admirable, chaque accord, chaque instrument, chaque timbre trouvant la place qui lui est nécessaire pour parfaire cette magnifique attraction de fête foraine (l’obsédant hymne « Sulky » et le doux et superbe « Ghost Dancing »). Le show s’achève sur un dernier tour de force échevelé, « Tried », final explosif nous laissant sonnés et heureux.
Vous ouvrez les yeux. Vous êtes à nouveau seul, assis sur le trottoir, le corps couvert de transpiration et les vêtements réduits à l’état de guenilles. Étrangement, vous ne vous êtes jamais senti aussi bien, proche du bonheur suprême. Vos membres vous font mal, mais ça demeure supportable. Voire agréable. Vous vous levez. Vous vous retournez. La boîte et l’homme au kilt ont disparu. Et vous n’êtes certain que d’une chose : dès que l’occasion se présentera, vous replongerez dans l’imaginarium de Baron’s. Car, une fois qu’on y a goûté, impossible de s’en passer.
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